L’entrée en vigueur du règlement européen sur l’éco-conception des produits durables (ESPR) : un enjeu crucial d’éco-conception

Dernière modification le 15/07/2024 - 14:25
L’entrée en vigueur du règlement européen sur l’éco-conception des produits durables (ESPR) : un enjeu crucial d’éco-conception

Par Cécile Picollet, cheffe de projet en éco-conception et animatrice du programme régional « OcciMore » en Occitanie 

L’éco-conception est devenue un pilier central de l’économie circulaire. Elle permet de concevoir des produits et services en réduisant les impacts environnementaux tout au long de leur cycle de vie. Le règlement ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation) ou règlement européen sur l’éco-conception des produits durables s’inscrit dans cette démarche en posant des normes strictes pour les entreprises. 

Deux grandes étapes viennent d’être franchies validant ainsi l’officialisation et la mise en œuvre du règlement européen sur l’éco-conception des produits durables : après avoir été publié au Journal Officiel de l’Union européenne le 28 juin 2024, il entrera en vigueur le 18 juillet 2024. 

L’enjeu est crucial : le règlement européen ESPR, en tant que règlement, est directement applicable et le même dans tous les pays de l’Union européenne, à la différence d’une directive qui, elle, est retranscrite dans le contexte réglementaire de chaque pays. Sa mise en œuvre s’effectuera toutefois graduellement puisqu’elle devra être adaptée et contextualisée selon les catégories de produits. 

Cet article explore la nature du règlement ESPR et ses objectifs, la fixation des exigences en matière d’éco-conception et leurs objectifs, les produits et secteurs concernés, la définition des exigences, les produits prioritaires et les prochaines étapes. Deux focus le complètent : l’un sur le passeport numérique du produit et l’autre sur l’intégration des PME à la réglementation. 

 

Qu’est-ce que le règlement ESPR 

Le règlement européen sur l’éco-conception des produits durables fait partie du Plan d’action en faveur de l’économie circulaire, voté en 2020 et constituant l’un des principaux éléments du Pacte vert de l’Union européenne ou European Green Deal.  

Le règlement ESPR remplace l’actuelle directive éco-conception 2009/125/CE qui établissait un cadre pour la mise en œuvre de la directive Energy-related Product (ErP). S’appliquant aux produits qui consomment de l’énergie ou exercent une influence sur la consommation énergétique, la directive éco-conception, qui existait depuis 2009, se focalisait sur l’usage des produits.  

Jusqu'à présent, les directives en vigueur se concentraient sur une seule étape du cycle de vie du produit ou sur un aspect environnemental spécifique. Désormais, l’ESPR introduit des exigences couvrant toutes les étapes du cycle de vie des produits. 

Quels sont les objectifs du règlement ESPR? 

L’ESPR a pour objectif de fixer des exigences en matière d’éco-conception pour les produits mis sur le marché de l’Union européenne. Le règlement concerne à la fois les produits fabriqués dans l’Union européenne et les produits importés sur le territoire. Quelle que soit sa provenance, tout produit ne respectant pas l’ESPR ne pourra être mis sur le marché de l’Union européenne.  

En plus des exigences fixées en matière d’éco-conception, le règlement contient d’autres mesures, comme l’introduction du passeport numérique du produit ou Digital Product Passeport (DPP), la mise en place d’exigences obligatoires pour les marchés publics et la définition de règles limitant la destruction des produits de consommation invendus. 

Quels sont les objectifs des nouvelles exigences en matière d’éco-conception 

Les exigences qui seront fixées en matière d’éco-conception ont pour objectifs principaux d’améliorer la durabilité environnementale des produits afin de faire des produits durables la norme, de réduire l’empreinte carbone et l’empreinte environnementale globale des produits tout au long de leur cycle de vie.  

Le nouveau règlement va plus loin que l’ancienne directive éco-conception : non seulement il sera nécessaire de prendre en compte la notion d’usage et d’utiliser l’énergie plus efficacement, mais il faudra aussi travailler sur la présence de produits chimiques, la recyclabilité, l’intégration de produits recyclés, la durabilité, l’allongement de la durée de vie, le réemploi…  

Ainsi, sur l’ensemble du marché de l’Union européenne, les entreprises vont devoir concevoir, déployer et développer de nouveaux modèles économiques fondés sur l’économie circulaire. 

Comme le montrent le texte de loi et sa présentation sur le site de la Commission européenne, la longue liste d’exigences en matière d’éco-conception témoigne de l’ambition forte du règlement.  

Ses exigences visent à : 

  • Améliorer la durabilité, la fiabilité, la réparabilité, le réemploi, la réutilisation et l’amélioration des produits 

  • Améliorer la recyclabilité des produits  

  • Accroitre les possibilités de reconditionnement et d’entretien 

  • Lutter contre la présence de substances chimiques dangereuses et de substances qui inhibent la circularité. 

  • Réduire la production de déchets 

  • Augmenter l’intégration de contenu recyclé 

  • Rendre les produits plus économes en énergie et en ressources 

  • Faciliter la remanufacture et le recyclage de qualité 

  • Réduire l’empreinte carbone et l’empreinte environnementale globale 

  • Améliorer la disponibilité des informations sur la durabilité 

Quels sont les produits et secteurs concernés 

Le règlement vise à inclure une large gamme de produits, avec quelques exceptions déjà définies. Ces exceptions existent lorsque les exigences du règlement ne sont pas adaptées ou lorsque d’autres instruments réglementaires déjà en place encadrent suffisamment les produits concernés. 

Les produits exemptés sont : les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, les médicaments et médicaments vétérinaires, les plantes, animaux et micro-organismes vivants, les produits d’origine humaine et les véhicules visés.  

Au-delà de ces exceptions, l’ESPR concerne tous les autres produits.  

Comment les exigences seront-elles définies? 

Afin de s’appliquer à tous les produits et de couvrir toutes les étapes du cycle de vie, l’ESPR va établir des exigences spécifiques pour chaque groupe de produits. De plus, des exigences «horizontales», applicables à plusieurs groupes de produits présentant par exemple des similitudes techniques, seront également définies. 

 

Deux types d’exigences seront mis en œuvre : 

  • Des exigences de performancesenvironnementales : des exigences d’atteinte de performance, de nature quantitative ou qualitative par rapport à un paramètre donné, pourront être fixées.  

  • Des exigences de communication : il sera obligatoire de fournir certaines informations sur les produits. Par exemple, les metteurs sur le marché pourraient avoir à indiquer la présence de substances préoccupantes, ainsi qu’à fournir des notices destinées aux clients qui leur permettraient d’installer, d’utiliser, d’entretenir et de réparer eux-mêmes les produits. Les entreprises pourraient avoir à fournir des informations adressées aux infrastructures de traitement pour aider le démontage, le réemploi, le reconditionnement, le recyclage et mentionner les limitations du produit à la fin de vie. D’autres éléments de performance, comme les indices de réparabilité et de durabilité, l’empreinte carbone, l’empreinte environnementale pourront être exigés.  

Devant ces exigences de communication, le passeport numérique du produit sera un outil capable de porter et communiquer toutes les informations à fournir. 

Focus sur le passeport numérique du produit  

Une des innovations majeures du règlement ESPR est l’introduction du passeport numérique. Ce passeport contiendra des informations détaillées sur la composition, les matériaux utilisés, les possibilités de réparation, les options de recyclage des produits, etc. L’objectif est de fournir aux consommateurs, aux réparateurs et aux recycleurs des données transparentes pour faciliter la gestion du cycle de vie des produits, de faciliter la vérification de la conformité du produit par les autorités existantes (Autorité de surveillance des marchés, douanes…) et d’améliorer la traçabilité. 

Le passeport numérique permet une meilleure traçabilité des produits car il facilite l’accès aux informations sur la provenance et la composition des produits. Il vise à promouvoir la réparabilité en fournissant des instructions détaillées pour les réparations et à favoriser un recyclage plus efficace en identifiant clairement les matériaux et composants recyclables. 

Quels sont les produits prioritaires et les prochaines étapes 

Après l’entrée en vigueur du règlement le 18 juillet 2024, une phase de travail commencera pour fixer les premiers produits sur lesquels travailler. La Commission européenne a déjà établi les critères pour prioriser certaines gammes de produits. Une fois les produits prioritaires validés, il faudra adopter le premier programme de travail. 

Plusieurs programmes de travail, d’une durée d’au moins 3 ans chacun, vont s’enchaîner. Chaque programme de travail concernera une liste spécifique de produits.  

Les premiers produits identifiés comme prioritaires incluent : le fer et l’acier, l’aluminium, les textiles (vêtements et chaussures), les meubles, y compris les matelas, les pneumatiques, les détergents, les peintures, les lubrifiants, les produits chimiques, les produits liés à l’énergie et les produits des technologies de l’information et de la communication, ainsi que d’autres produits électroniques. 

Ces produits seront inclus dans le premier programme de travail. La Commission européenne proposera ce programme au Parlement européen, qui devra ensuite l’adopter. 

Une fois le premier programme de travail adopté, quatre étapes jalonneront le calendrier :   

  • 1re étape : études préparatoires et évaluations des impacts selon les exigences établies 

  • 2e étape : consultation du forum, c’est-à-dire du groupe de travail formé d’experts et des parties prenantes (industriels, ONG, institutions publiques…)  

  • 3e étape : adoption des mesures 

  • 4e étape : application des mesures, 18 mois maximum après l’adoption de celles-ci. 

Pour le premier programme de travail qui doit être adopté avant le 19 avril 2025, l’adoption des mesures est prévue en 2026 et leur application 18 mois plus tard, en 2028.  

Focus sur les PME 

Lors de la présentation du nouveau règlement ESPR, la Commission européenne a clairement exprimé son intention d’inclure les petites et moyennes entreprises, qui constituent une part importante du tissu économique de chaque pays de l’Union européenne, dans la mise en œuvre de ce règlement. Ainsi, la Commission prévoit des mesures de soutien destinées aux PME qui se déclineraient de deux manières : d’une part, par des programmes européens, et d’autre part, par des initiatives des États membres. 

Pour ce faire, la Commission européenne prévoit de mettre à disposition des PME des outils numériques et des lignes directrices pour faciliter la mise en conformité des produits. De plus, elle souhaiterait soutenir financièrement les PME pour leur permettre de participer activement au forum et les intégrer dans le processus de validation des exigences. 

La Commission européenne mettrait également des ressources à disposition des États membres pour les aider à soutenir les PME dans la mise en œuvre du nouveau règlement. Cela inclurait la création de guichets uniques dans chaque État membre pour informer les PME sur le règlement et répondre à leurs questions, offrir des opportunités de mise en réseau, fournir un support financier, faciliter l’accès aux financements, proposer des formations, fournir une assistance technique et organisationnelle.  

Ce signal fort d’inclusion des PME reflète à quel point il est désormais essentiel de leur permettre d’intégrer les considérations environnementales dans leurs activités et leurs produits. 

 

 

La mise en place du règlement ESPR représente un tournant décisif pour les entreprises et l’industrie dans son ensemble. En adoptant les principes de l’éco-conception, les entreprises contribuent non seulement à diminuer leur impact environnemental, mais elles se préparent également à un avenir où la durabilité sera une exigence incontournable.  

Le Pôle Éco-conception, centre national d’expertise, de compétences et de connaissances sur l’éco-conception, reste à la disposition des entreprises pour les accompagner dans cette transition essentielle vers une économie plus vertueuse et durable. 

Ensemble, faisons de l’éco-conception la norme de demain ! 

 

Pour plus d’informations et d’accompagnement sur la mise en œuvre du règlement ESPR, n’hésitez pas à nous contacter. 

Le Pôle Éco-conception porte des programmes en région : Cécile Picollet anime le programme OcciMore qui vise à diffuser et impulser l’éco-conception en Occitanie ; Cécile sensibilise et accompagne les entreprises dans leur transition vers la mise en œuvre de démarches d’éco-conception. 

 

Sources : 

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Maëline Touron

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